Le lambi, mollusque star des Antilles

Vous avez réussi l’exploit de venir en Martinique, et d’être reparti sans goûter au lambi ?! Nooon, c’est pas possible… Vous n’étiez pas vraiment en Martinique, vous êtes descendu à la mauvaise escale… Parce que comme le colombo et le poulet boucané, le lambi est définitivement un pilier de la cuisine (et de la culture !) locale. Une chair qui ne souffre la comparaison à aucune autre. Une chair qui, bien qu’elle se soit démocratisée ces dernières années – elle se trouve même dans les snacks – n’a rien perdu de sa noblesse. Ah, ça vous intrigue, hein ! Je vous en dis plus. D’ici à la fin de l’article, vous mesurerez l’amour des Antillais pour le lambi, et la tragédie qu’annoncerait sa disparition (cliquez ici).

 

 

Le lambi, en bref

Les amérindiens l’appelait ouataboui. Le mot lambi désigne les mollusques marins du groupe des strombes. Il en existe 4 espèces dans la Caraïbe mais, dans le langage ordinaire, le mot désigne surtout l’espèce la plus grosse : le lambi géant ou conque rose des Caraïbes (Lobatus gigas), dont la coquille peut atteindre 30 cm de longueur. C’est un gros escargot à la porcelaine somptueuse, offrant de nombreuses variations de rose, pêche et beige.

lambi conque rose conque géante des Antilles

 

Le saviez vous ? Comme tous les mollusques, le lambi peut produire une perle. Considérée comme la plus rare des perles commerciales – 1/10 000 lambi produirait une perle, et pas toujours de bonne qualité – elle s’échange sur le marché de la joaillerie pour des sommes faramineuses. 😏 Bienheureux celui qui trouve une perle… Pas fous, les pêcheurs tâtent bien leur marchandise avant de nous la livrer.

 

Une ressource menacée

Le lambi a été jadis une ressource très ordinaire. Ce brouteur fréquentant les herbiers marin dès 1 m de profondeur, il suffisait (littéralement) de se baisser pour le ramasser tant il était abondant. Il était d’ailleurs une importante source de protéines pour les populations amérindiennes, qui le consommaient cru ou cuit dans sa coquille, et c’est tout naturellement qu’il s’est retrouvé au menu des premiers colons européens et leurs esclaves. Les chroniqueurs rapportent que déjà à l’époque, quand la disponibilité des ingrédients le permettait, il était cuit dans deux eaux (à cause de la bave) puis émincé et sauté dans du beurre avec des aromates.

 

 

⚠️ Pêche réglementée : En Martinique : pour la pêche professionnelle comme pour la pêche de loisir, la capture des lambis (Lobatus gigas) est interdite du 1er janvier au 30 juin inclus. Les individus capturés doivent être adultes, c’est-à-dire avoir un pavillon bien développé, et peser au moins 250 g de chair. La vente de lambi frais pendant la période de fermeture de la pêche est interdite. En Guadeloupe : la pêche des lambis est réglementée et réservée aux seuls professionnels. Suite à un effondrement de la ressource, elle est totalement interdite depuis 2020 et jusqu’à nouvel ordre.

À l’échelle internationale, le transport de conques de lambi (même vides) est interdit par la Convention de Washington. Voyageurs, attention à ce que vous mettez dans vos valises !

 

Le lambi en cuisine

Aujourd’hui comme hier, la chair du lambi est une des plus savoureuses mais elle se mérite… Pêcher le lambi est  un travail harassant et dangereux car, victime de son succès le lambi s’est raréfié, et c’est désormais en apnée qu’il faut descendre le chercher, parfois à des profondeurs importantes. Il faut alors extirper la chair de la conque et… Non, ce n’est pas encore prêt à manger ! Le nettoyage du lambi c’est quelque chose (cliquez ici et suivez nos conseils pour bien le faire) : il faut laver, laver encore, frotter de citron ou de vinaigre, et relaver, et finalement bien battre la chair pour l’attendrir parce que le lambi c’est bon, mais qu’est-ce que c’est dur ! 😂 Autre astuce, frotter la chair du lambi de feuilles de papayer : elles contiennent une enzyme qui, en dégradant les protéines, attendrit les chairs.

attendrir le lambi avec des feuilles de papayer

 

Suite à sa raréfaction, le prix du lambi a explosé, le réservant longtemps à une élite et aux grandes cuisines. Aujourd’hui la dégustation du lambi reste un événement – le déjeuner de famille, la grillade du vendredi soir avec les potos… Sa chair reste rare, un met fin qu’il convient de traiter avec le plus grand soin et même, avec art dirons certains. Des recettes de lambi, vous en trouverez une trentaine sur le blog (cliquez ici), pour toutes les occasions : repas décontracté en famille ou entre amis, repas traditionnel… À l’apéritif, en entrée ou plat… Il y en a pour tout les amoureux du lambi !

 

Le lambi dans la culture antillaise

Si le lambi tient une place de choix dans la cuisine antillaise, notre relation avec lui ne se limite pas à l’assiette. C’est un élément fort de l’imaginaire créole, qui trouve encore des usages au quotidien.

  • Communication

Tous les martiniquais, même les plus jeunes, connaissent le son d’une conque de lambi. C’est un son qui résonne dans nos îles depuis fort longtemps. Les amérindiens avait fait de la conque un instrument de musique. La période esclavagiste l’a profondément ancrée dans notre culture, quand elle appelait aux rassemblements et à la révolte. Nos pêcheurs l’utilisaient comme « corne de brume » pour signaler leur retour de pêche, et elle servait aussi à annoncer de morne en morne, de village en village, les naissances, mariages et décès. Aujourd’hui encore, elle résonne lors des manifestations populaires (carnaval, régates, défilés, piquets de grèves, etc.) et l’on peut, parcourant nos bois, croiser des randonneurs rythmant leur marche au son d’une conque de lambi et en chantant.

souffleur conque lambi kon lambi

 

  • Industrie

Au début du 17ème siècle, des habitations sucreries se sont mises à produire de la chaux, qui servait aussi bien à la fabrication du sucre, à l’amendement des sols et à la construction des bâtiments. Les fours à chaux, dont on peut découvrir des vestiges un peu partout en Martinique, étaient alimentés en conques de lambi.

  • Artisanat et décoration

Coquillages aux couleurs somptueuses, le lambi inspire aussi les artistes, comme en témoigne la sculpture monumentale ornant le rond-point à l’entrée du bourg des Anses d’Arlet. Dans des usages plus domestiques, le lambi a servi à fabriquer des veilleuse à la lumière tamisée et d’autres ornements d’intérieur, passé de mode mais que peut-être vous avez connu dans votre enfance, et sert encore à border des allées de jardin. Enfin, certains cimetières abritent encore des tombes bordées de lambi, une pratique héritée des amérindiens qui honoraient ainsi leurs morts.

 

Et là, vous aussi êtes tombé amoureux du lambi, pas vrai ? Ce monument de notre cuisine qui ne laisse indifférent aucun de ceux qui le goûtent, et qui mérite d’être préservé pour que ne disparaissent un marqueur bien vivace de la culture antillaise.

Retour à la liste

Votre avis nous intéresse

Vous devez être membre de la TeaM Tatie Maryse pour interagir sur cet article



2 commentaires

  1. Fossé dit :

    je suis en métropole et il n’est pas facile de trouver du lambi, par quoi puis-je le remplacer? Merci de votre réponse, et Bonne année 2015

    • Tatie Maryse dit :

      Bonjour,
      Le lambi n’a malheureusement pas d’équivalent. De nombreux lecteurs disent en trouver dans les épiceries asiatiques 😉

Voir plus de commentaires

Rédigé par Nathalie, de la TeaM Tatie Maryse

Co-fondatrice de Tatie Maryse, amoureuse des bonnes choses, je partage ici et depuis 2011 mes inspirations culinaires. Mon approche tant sur le web qu'en ateliers : une cuisine au goût de chez nous, accessible à tous et expliquée! Une approche qui se retrouve aujourd'hui déclinée dans notre gamme de produits "prêts à déguster" disponibles sous la marque Poz'.
🍽 Découvrez nos bonnes adresses