Le PIMENT antillais de A à Z
C’est Christophe Colomb qui, au retour de son premier voyage, introduisit le piment, petit fruit originaire de l’Amérique Centrale, en Espagne. Il le lance ainsi à la conquête du monde. Mais l’ancrage du piment dans la culture culinaire antillaise n’a pas attendu cette intervention européenne. Histoire abrégée et usages divers, je vous dis tout sur le piment… y compris comment en éteindre le feu.
1. Capsicum, le piment à la conquête du monde
Le piment aurait été domestiqué il y a plus de 7 000 ans en Amérique Centrale. À l’heure de la découverte des Amériques par les Européens, les Aztèques en ont déjà créé de nombreuses variétés de formes, couleurs, saveurs et intensités diverses. Le piment entrait alors notamment dans la composition d’une boisson au cacao appelée xocoatl.
Par ailleurs la plante s’est naturellement dispersée en Amérique du Sud.
Un demi-siècle après son introduction en Europe, le piment avait conquit le monde : il est aujourd’hui cultivé en Afrique, en Inde (1er producteur et exportateur mondial), en Asie tropicale… et même, en Europe centrale et au Moyen-Orient.
Il a terminé son tour du monde en revenant en Amérique au XVIIe siècle, dans les bagages des immigrants.
Aux Antilles, les populations indigènes connaissent très bien le piment, qu’elles appellent ati, lorsque les européens y débarquent. Les chroniqueurs de l’époque rapportent par exemple que les « Indiens » accompagnent leurs repas d’une sauce au piment. C’est donc d’abord avec la colonisation amérindienne que le piment a conquis les Antilles, en remontant d’île en île depuis le bassin de l’Orénoque (Vénézuela).
2. Le piment : une pharmacie dans le jardin
Il ne s’agit pas de vous livrer ici un conseil pharmaceutique. Mais cette petite revue du piment serait trop incomplète si je ne mentionnais pas tout de même quelques usages, parfois très anciens, pour soigner petits et gros bobos.
Déjà, les amérindiens l’utilisait pour soigner des affections oculaires et cutanées. Et accessoirement, le piment participait au cocktail empoisonné dont ils enduisaient leurs flèches.
Les grands-mères caribéennes connaissaient aussi ses propriétés digestives et diurétiques. Elles en préparaient par ailleurs des lotions pour soigner les rhumatismes. Du fait de ces propriétés bactéricides, le piment est également utilisé pour soigner les panaris et les furoncles ; et encore les états grippaux, les maux de gorge et bien d’autres.
Depuis peu, on le soupçonne même de protéger contre certains cancers et contre les accidents vasculaires cérébraux (AVC).
ℹ️ Un principe actif : la capsaïcine. C’est cette substance qui, selon sa concentration, détermine la « force » du piment, l’intensité du piquant. C’est aussi elle qui serait à l’origine des propriétés stomachiques, antiseptiques, bactéricides, diurétiques, et potentiellement anticancéreuses. Dans le piment, la capsaïcine est plus concentrée dans les graines et les membranes blanches que dans la pulpe. En les retirant, on en réduit la force.
Côté nutrition aussi le piment a tout bon. Il est très riche en vitamines C (en particulier les variétés rouges) et en anti-oxydants.
Attention tout de même : sa consommation peut accentuer les crises hémorroïdaires – oui, bon, c’est pas très sexy tout ça ? mais j’ai dit que j’allais tout vous dire, non ?
3. Des goûts et des couleurs… pour le bonheur des gourmets
Chez nous ils s’appellent piment végétarien, piment créole, tété négrès, bonda Man Jak, piment oiseau – du plus doux au plus fort, selon moi.
ℹ️ Piment végétarien ? Cette appellation singulière désigne chez nous un petit piment très doux, à la saveur légèrement sucrée à maturité. Il constitue, avec l’ail, l’oignon, l’oignon-pays et persil, la base de nos assaisonnements.
En fait, il en existe plus de 200 variétés dans le monde, dont les variétés consommées se répartissent entre trois espèces principales. Si chez nous ils sont surtout rouges ou bruns à maturité, il en existe aussi des verts, jaunes, roses, violets, et même presque noir. Leurs saveurs sont aussi très variées : sucré, aux parfums fruités, au goût de noix ou de noisette… et du plus doux mangeable cru au plus piquant, voire carrément « enragé » comme le piment oiseau ou le piment de Cayenne.
ℹ️ En cas d’incendie, pas de panique ! Oubliez l’eau et le sucre, parfaitement inutiles. Trois extincteurs sont particulièrement efficaces pour atténuer le feu du piment :
– boire un citron pressé : l’acidité du citron augmente la salivation et donc le nettoyage de la langue ;
– manger de la mie de pain : la mie agit un peu comme une éponge qui capture la capsaïcine ;
– manger un produit laitier : les fromages en particuliers, pauvres en eau et qui concentrent donc les graisses et protéines du lait qui « détachent » la capsaïcine de la langue et la séquestrent. Efficacité Garantie !
Dans la culture culinaire antillaise, héritage métissé de traditions amérindiennes et d’apports de l’immigration en provenance de pays où il était aussi bien connu, le piment est quasiment omniprésent. Dans les mélanges d’épices, les sauces, les vinaigrettes (cliquez ici pour notre recette de vinaigrette au piment végétarien)… N’avons-nous pas toujours du piment dans notre fond de cuisine ? Doux, fort, frais, séché, en poudre, confit (cliquez ici pour notre recette de piment confit), en pâte avec d’autres condiments et épices… Il s’invite même au dessert depuis quelques temps, en sorbet ou en confiture (cliquez ici pour notre recette de confiture de piment végétarien).
Vous l’avez compris, le piment que nous affectionnons tant, omniprésent dans nos cuisines et nos pharmacies créoles, n’est pas un simple condiment. C’est réellement un pilier de notre patrimoine culturel et culinaire, qui participe avec chaleur à la saveur particulière de la cuisine antillaise.
Bonjour katreen,
je cherche désespérément un article sur le piment surgelé. Est-ce une pratique qui ne convient pas à cet aliment ? pourtant je l’utilise pour conserver les piments de mon jardin qui est en ce moment sous la neige, ce qui explique que j’en mette de côté jusqu’à la prochaine récolte d’été. Je mets facilement du piment végétarien dans mes préparations mais j’hésite à le faire avec des piments plus piquants. Connaissez-vous des astuces pour les cuisiner surgelés ?
Merci pour votre site fabuleux, moi qui ne cuisinais pas les recettes du pays parce-que je pensais qu’elles trop compliquées et que j’avais encore ma maman pour le faire pour nous. Maintenant je dois prendre la relève et avec votre aide, j’arriverai sûrement un jour à retrouver le goût de mes plats préférés. Dommage qu’il n’y ai plus de stage culinaire sur Paris. Mais je viendrai sûrement à vous, tant l’envie est forte de cuisiner avec la TeaM Tatie Maryse. A bientôt. Rosemonde
Bonjour Rosemonde
Je suis ravie que tu trouves sur notre site des ressources pour perpétuer et transmettre notre patrimoine culinaire. Je ne doute pas que tu réussiras à retrouver le goût de tes plats préférés.
Concernant la conservation du piment fort, il n’y a pas de raison a priori pour qu’il se comporte différemment du piment végétarien. Donc si tu peux congeler l’un, ça devrait aller de même pour l’autre ; et pour le cuisiner pareil – mais attention au piquant du piment fort. Cela dit, il me semble qu’il y a plus simple pour conserver les piments. Tu peux les sécher – mon père le fait, ça marche très bien. Tu peux aussi les « confire », à l’huile ou au vinaigre c’est au choix. Clique ici pour les recettes.
Il y a des cultures culinaires des piments, très intéressante. Brûlants comme le piment lanterne rouge, subtil comme le piment oiseau réunionnais à rougail, unique comme le piment rond du Portugal.
Confit à l’huile ou au vinaigre, cuisinez le !
Bonjour
Et l’origine du nom bondamanjak (le cul de la mère Jak, si je ne m’abuse) ? D’où vient ce nom si évocateur?
Merci d’avance pour la réponse
J’avoue que mon enquête n’a pas apporté cette information. Peut-être une certaine Mme Jak était-elle particulièrement… affriolante. 😀
Franchement bel article et la conclusion est au niveau du reste. En tout cas, il est bien vrai que ce fruit fait partie de notre patrimoine. De mon côté dans ma prime jeunesse je ne savais pas apprécier ni la cuisine ni la culture peyi et maintenant c’est via ces dernières que je suis proche de notre île. En tout cas merci de la mettre en valeur.
Bonjour Géraldine, je suis ravie que cet article te plaise.
Nous sommes sûrement nombreux comme toi à ne pas avoir apprécié autant qu’aujourd’hui notre patrimoine culinaire dans notre jeunesse – probablement d’ailleurs parce que nous n’avions pas conscience de son originalité et de sa valeur. Bien souvent, c’est partir vivre ailleurs qui nous le révèle. Et pour ce qui est du piment en particulier, je me rappelle que j’en faisais le plein à chaque vacances en Martinique afin que le placard de ma kitchenette d’étudiante ne soit jamais vide de piment confit.