Ça veut dire quoi « BIO » ?
Quand j’ai commencé mon enquête pour savoir s’il est possible de manger bio en Martinique, je me suis vite heurtée à la perception que chacun de nous a du « bio ». Si les choses sont très claires d’un point de vue réglementaire, c’est loin d’être le cas pour Mr et Mme Tout-le-monde. Du coup, avant de vous présenter le résultat de mon enquête (à découvrir ICI), je me suis dis que ça pourrait être utile de faire le point sur la définition de l’agriculture biologique mais aussi sur vos attentes réelles quand vous achetez un produit alimentaire étiqueté « bio ».
Pour vous, ça veut dire quoi « bio » ?
Cliquez sur les podcasts ci-dessous et découvrez comment les martiniquais perçoivent l’agriculture et l’alimentation bio. Mille merci à celles et ceux qui se prêtés au jeu du questions-réponses 😉 .
Pour vous, ça veut dire quoi bio ?
Consommez-vous bio vous-même ? Et qu’attendez vous d’un produit alimentaire « bio » ?
Quelques principes fondateurs de l’agriculture biologique
Loin de moi l’envie de vous reprendre les dizaines de pages de réglementation européenne qui définissent légalement un produit agricole biologique et les conditions de sa production. Voici l’essentiel à savoir :
Ce qu’il me semble important de retenir, en premier lieu, c’est que les produits phytosanitaires de synthèse sont proscrits en agriculture biologique. On peut donc protéger et soigner ses plantes avec des préparations à base d’autres plantes, de substances minérales naturelles, ou en ayant recours à la lutte biologique… mais certainement pas utiliser des pesticides synthétiques.
Pour autant, produire sans pesticides ne suffit pas à pour prétendre cultiver ou élever bio.
Le respect du sol est un principe essentiel en agriculture biologique.
Le sol n’est pas seulement un substrat géologique, un support physique, dans lequel s’ancrent les racines des plantes. Il est habité par un ensemble de petite faune (vers de terre, cloportes, etc.) et de micro-organismes qui en assurent la fertilité. Le sol doit donc être exploité sans nuire à ces organismes, de telle sorte qu’il puisse nourrir les cultures sans recours à des engrais de synthèse. Par exemple, les agriculteurs bio peuvent effectuer des jachères ou des rotations de culture, planter des engrais verts…
Par ailleurs, l’hydroponie, culture hors sol qui met les racines des plantes en contact avec une solution nutritive, est par principe incompatible avec la production bio.
La production et l’utilisation d’OGM (organismes génétiquement modifiés) sont également incompatibles avec la pratique d’une agriculture biologique. Un OGM bio, ça n’existe pas au regard de la loi. Par conséquent, un plat cuisiné ne peut être vendu comme bio s’il contient un ingrédient OGM.
La législation prévoit cependant la présence d’OGM dans une production par ailleurs certifiée bio… dans la limite de 0,9% d’OGM dans la production totale. Dans l’esprit, il s’agit de ne pas pénaliser le producteur victime d’une faible contamination. Pour autant, la seule détection d’OGM apporte la suspicion sur la production. L’exploitant doit alors apporter la preuve qu’il a tout mis en œuvre pour éviter cette contamination s’il ne veut pas voir ses produits déclassés.
L’agriculture bio attache beaucoup d’importance aux conditions d’élevage et au bien-être animal.
L’élevage hors sol (dans des cages) est interdit. Concrètement, les animaux doivent avoir accès à de l’air frais, à la lumière du jour, et disposer de suffisamment d’espace pour se déplacer.
L’alimentation est 100% biologique et sans OGM. Et tant que la météo le permet, les herbivores doivent avoir accès à un pré pour se nourrir.
Des mesures naturelles (homéopathie, phytothérapie) sont employées pour stimuler leur système immunitaire, prévenir les maladies et résoudre les problèmes sanitaires. Ils reçoivent tout de même les vaccins et traitements imposés par réglementation générale. Dans les cas extrêmes, des médicaments vétérinaires peuvent être utilisés, sous conditions, et uniquement en traitement curatif.
Si l’essentiel des mesures concerne la vie de l’animal, pour l’abattage également des mesures particulières sont prévues dans le cahier des charges. Elles ont pour but de limiter au maximum la souffrance avant que l’animal soit tué, et d’assurer la traçabilité des produits.
L’agriculture bio dans la pratique
La législation prévoit des contrôles réguliers, certains planifiés, d’autres inopinés, tant pendant la procédure de certification qu’après l’obtention du label, afin de vérifier que les exploitants respectent leurs engagements.
Et l’enjeu de ces contrôles est important. Face aux dérives de l’industrie agroalimentaire, il s’agit d’entretenir la confiance du consommateur, qui est prêt à payer plus cher des produits plus sains.
Mais le système de contrôle n’est pas parfait et des scandales émaillent l’actualité plusieurs fois par an. Comme celui, en 2016, de l’abattoir de Vigan dans lequel les animaux étaient maltraités et agonisaient au lieu d’être abattus rapidement.
Et les produits transformés, qu’en est-il ?
La transformation des produits issus de l’agriculture biologique (confitures, plats cuisinés, pains et pâtisseries, etc.) implique de mettre en place des chaînes et matériels d’agro-transformation dédiés.
La réglementation impose également des contraintes en cas de mixité, c’est-à-dire si des produits bio et conventionnels (non bio) sont fabriqués sur le même site. Tout doit être mis en œuvre pour éviter que ces catégories se mélangent. Par exemple, une entreprise peut réaliser une recette avec des produits conventionnels le lundi, une recette bio le mardi… à condition que toute l’installation (matériels, récipients et ustensiles… tenues et chaussures des agents) ait été minutieusement nettoyée entre les deux. Elle doit aussi prévoir des lieux de stockage différents. Cette logistique, très contraignante, conduit généralement à la séparation totale, sur des sites différents, des deux activités.
L’étiquetage des produits agroalimentaires transformés est lui aussi soumis à réglementation.
Le règlement européen impose que 95 % au moins des ingrédients d’origine agricole d’une recette soient produits en agriculture biologique. Les 5% restant (arômes naturels, additifs) doivent figurer sur la liste des produits autorisés – ce sont en principe des produits qui n’existent pas en bio.
L’étiquetage réglementaire des produits bio présente le logo bio européen et le numéro de l’organisme certificateur (FR-BIO-nom de l’organisme en France).
En France, le label AB reste utilisable.
Au-delà du label bio… des alternatives
Plusieurs producteurs français ont été déçus par la réglementation européenne pour l’agriculture biologique, la trouvant plus permissive que le premier cahier des charges du bio français à l’égard des substances potentiellement dangereuses. L’esprit du bio s’était quelque peu perdu.
Ayant dans un premier temps adopté à contrecœur le règlement européen, ils se sont regroupés en association et ont créé un autre label, Bio cohérence, indépendant des instances gouvernementales, beaucoup plus strict que le label européen et plus proche du premier label français (AB, 1985) – les critères actuels du label français ont été alignés sur le label européen en 2009.
En Martinique, c’est à peu près la démarche de l’association Orga Péyi, qui propose des fruits et légumes issus de l’agriculture « organique » . Mais attention, n’y voyez pas la simple traduction de « organic agriculture » ou « oganic farming », qui se traduisent plutôt en français par « agriculture biologique ». Pour Orga Péyi, l’agriculture « organique » valorise les savoir-faire traditionnels, ancestraux. Cela implique, entre autres, de n’utiliser aucun engrais et produit phytosanitaire de synthèse (comme pour le label bio), de recourir à des pratiques culturales qui préservent les sols, de valoriser la biodiversité variétale locale (sur leur marché, j’ai découvert plein de mangues dont je n’avais jamais entendu parlé). De plus, plutôt que d’adhérer à un label européen, l’association souhaite qu’un label bio local soit établi, qui tiendrait compte des particularités de l’agriculture en milieu tropical.
Les producteurs certifiés bio que j’ai rencontré au cours de mon enquête m’ont donné l’impression de réellement s’impliquer dans leur démarche. Et aucun ne s’est montré réticent à répondre à mes questions ou me montrer son certificat. Bien au contraire, ils ont un réel souci de transparence.
Sur le marché d’Orga Péyi également, le message est très clair : « nous ne sommes pas bio, nous faisons de l’agriculture organique ». Et la popularité de ce marché atteste de la confiance que la clientèle accorde à ces producteurs – et j’avoue que moi-même je m’y suis retrouvée.
Malheureusement, j’ai aussi rencontré des producteurs qui se prétendent bio sans l’être réellement. Non qu’ils pratiquent une agriculture conventionnelle (assistée de produits chimiques de synthèse ou de spécialités vétérinaires, parfois à outrance)… Loin de là ! Mais une agriculture sans pesticides n’est pas une agriculture bio au sens propre, et faire passer la première pour la seconde me semble relever de la tromperie du consommateur…
Finalement, c’est à chacun de nous d’être vigilant en faisant nos courses.
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